BARA

La carte  

 

 

Jeudi 28 juillet

 

Journée nature : randonnée dans le massif de l'Isalo , neuf kilomètres de prévus, plutôt quinze à l’arrivée. Pas de dénivelé important, mais beaucoup de montées et de descentes, sur la roche ou dans la boue, sous le soleil tropical comme à l’ombre d’étroits canyons.

C’est un taxi local, genre poubelle, qui nous y conduit, notre minibus est en panne.

 

Première partie ethnique (les tombeaux bara) et surtout botanique : très beaux pieds d'éléphant en particulier (pachipodium), aloès, ficus nains rampants, tabiha (nourriture des vers à soie sauvages), plantes médicinales et poisons, phasmes, serpents et scorpions également. Un fady pénible, que nous impose le guide, ne pas montrer du doigt, il y a des tombeaux partout. Pas facile pour demander ce que c’est que ça, là bas…Notre chemin passe par une piscine naturelle trop fréquentée. Un français qui s’y baigne comme chez lui, plongeon, bruit, gros con type. Ensuite nous marchons dans la steppe jusqu’à l’entrée d’un canyon où on rencontre des makis rayés (lémur catta) et roux (lémur fulvus) assez peu farouches mais encore sauvages. On entame une progression (plutôt pénible) au fond du canyon très encaissé. On passe par une série de piscines (bleue, noire) pour arriver à une cascade assez exceptionnelle, bleue luminescente, entre des murs très resserrés.

 Au retour, on verra des lémuriens complètement sauvages, des propithèques, sauter de bambous en bambous pour finir dans un buisson à brouter des feuilles. On croisera aussi une pauvre dame qui marche depuis le matin avec son guide, et qui n’a toujours rien vu. Quelques groupes qu’on croise et qu’on recroise dans cet entrelacs de chemins et de canyons, c’est encore supportable comme foule dans cet espace cloisonné. Croisé aussi un couple mixte, main dans la main. « C’est un guide et sa cliente » me dit Albert III (Eh oui, ils sont numérotés), en me faisant un clin d’œil appuyé.

Ce soir, pas de moustiques, juste des mouches.

Et la voiture est réparée.

C’est aussi notre deuxième repas au restaurant de l’hôtel. Il n’y a rien d’autre ici, sinon quelques hotely peu engageants. La carte est réduite, poulet ou zébu, cuit ou grillé, riz ou frites, yaourt ou banane, et une particularité, un personnel particulièrement zen et une attente qui dépasse l’entendement, au point que les habitués passent commande bien avant de venir manger. 

  

Vendredi 29 juillet

 

19h30 : Toujours le même resto, attente interminable, alors je commence le récit de cette journée à table. Des espagnols à gauche, la télé au fond, une tête de malgache derrière la vitre. Curieux, quand on pense à ce que racontait Feno tout à l’heure. Aujourd’hui, c’était jour de marché à Ranohira, et donc couvre-feu, à cause des déçus d’Ilakaka, la ville du saphir, qui viennent chercher l’argent vite gagné ici et qui jouent facilement avec leur flingue. La salle est pleine, maintenant, un beau couple de babas, look sixties et soixante balais au compteur, un groupe de vazaha comoriens pour l’ambiance.

 

Journée cool, promenade en forêt le matin, tombes bara et lémuriens sauvages cette fois encore. Bara, Albert III, le guide, l’était, qui nous a parlé des mœurs de cette ethnie, de véritables sauvages, qui ont chassé les Sakalaves d’ici, qui nettoient les os de leurs ancêtres dans les torrents. « Si on ne faisait pas guide, il dit, on rançonnerait les touristes. ». Les voleurs de bétail se sont transformés en éleveurs ou en guides. Mais toujours un peu vif aujourd’hui, précise Feno.

Contrôle des billets à l’entrée du canyon, ce matin, un petit vieux qui vise nos tickets d’entrée au parc.

 

Repas dans un hotely sympathique à midi, misao et sauce calmar, pour un prix dérisoire. En fin de journée, visite du coucher de soleil à la « fenêtre » de l’Isalo. Les touristes se pressent pour photographier le soleil couchant à travers le rocher et ne voient pas les couleurs qui s’étalent alentour. On attendrait presque le troupeau de girafes ou le rugissement du lion dans la savane.

Ce soir, après le repas, c’est un peu les Hauts-de-Hurlevent. Le vent souffle sur la steppe, ce qui explique sans doute le relief déchiré des roches du massif.

 

 Le regard d'Anne-Mariee est de retour.

 

Samedi 30 juillet

 

Fin du voyage, nous voilà arrivés à Tuléar, ultime ville traversée par la RN7, 1400km parcourus depuis Majanga. Aujourd’hui, c’était plutôt Far West, prairies jaunes à perte de vue, traversées par une route sans fin, avec des reliefs tabulaires comme horizon. Et au milieu de rien, Ilakaka, la ville du saphir, cinq maisons hier, barrages à l’entrée de la ville aujourd’hui, une foule de mineurs et de commerçants dans la rue, des policiers surarmés. Ambiance tendue et casino à la sortie de la ville, pour drainer l’argent trop facilement gagné. Même les gardiens de zébus sont armés de fusil dans le coin.

 

Au passage, visite d’un puits de mineur, un mètre de diamètre dans du sable, le tout sous la nappe phréatique. Ils sont obligés, tous les matins, de vider le puits avant d’y plonger. Pas de chance. Ils rêvent du gros saphir, gros comme un haricot, assez pour acheter un Boeing, ils disent. Dans la platée qu’ils trient pour nous, un peu de chance. Un gravier vert (bleu ?) transparent, gros comme un demi petit grain de riz. Le saphir ! Ils espèrent en tirer 250000 Fmg (moins de 25€). Ils partent tout de suite le vendre à un des nombreux acheteurs sri lankais ou pakistanais d’Ilakaka. Ils peuvent rester des jours sans rien trouver. Ils viennent de Fort Dauphin, quémandent un Tee-shirt quand on s’en va.

Et maintenant nous voilà dans un bungalow derrière les filaos, la plage et la mer devant, deux propositions de sortie en pirogue, des massages, des lamba… A quoi sert la jeune fille là-bas ?

 

 Entre temps, direction Ifaty, depuis Tuléar, c’est une piste de sable entre les dunes, ponctuée de hameaux de paille et de roseaux. Des villages vezo. La première impression, en voyant tous ces gens qui marchent le long des dunes, c’est le retour des plages. Et puis on se dit qu’ils portent des fruits, des roseaux, de l’eau, qu’ils souffrent, en quelque sorte. Les jolies petites paillottes ne sont plus que des maisons minuscules. Et le cochon qui gambade n’est pas le copain des enfants. La mer reste bleue.

 

VEZO