BETSILEO

La carte  

 

 

 

Samedi 23 juillet

 

Au départ d’ Ambositra , nous rejoignons une piste qui traverse une très agréable vallée couverte de rizières. Encore une fois, la grande île nous offre des visions bucoliques dignes du Viêt-Nam, cochons dans les rizières, pont de bambou sur un canal, troupeau de zébus qui traversent à gué, hommes et femmes au travail, sur la piste, qui s’arrêtent, lèvent la main en souriant, enfants qui courent sur les digues en criant « Bonjour vazaha ! ».

Ensuite traversée de montagnes, pins puis eucalyptus et mimosas. Les mimosas ont été importés pour fournir du charbon de bois. Les paysans rient encore de l’incompétence du fonctionnaire responsable de ce choix. « Ça fait des fleurs, au moins… »

Arrivée au principal (et le plus accessible) village Zafimaniry. Villages de la forêt, ils ont longtemps été enclavés. Les maisons sont toutes en bois, sans clous, démontables, et durables, plus de trois cents ans, nous dit-on. C’était des nomades de la forêt. Aujourd’hui, ils sont paysans, forestiers, charbonniers, sculpteurs sur bois. Et maintenant, ils accueillent les touristes : droit d'entrée pour le village (école, dispensaire, route, effectivement construits à l’entrée du village, bien visibles), guides (les jeunes se sont organisés, chacun sont tour, l’argent partagé entre tous), les enfants qui vendent des babioles en bois (pour acheter les cahiers) et le « Président du Village » (sic).

 

C’est l’ancien, celui dont on visite la maison en bois, dans la fumée du foyer. Une seule pièce, un pilier central, quatre coins biens identifiés. Et là commence un jeu de rôle : les gentils vazaha accueillis par le grand chef. Cela finit en accolades et promesses de ne jamais s’oublier, avec échange, billet de 5000 Ar pour nous et pour le chef, « Je vous donne ce que j’ai de plus précieux … ma bénédiction ».

Un peu surfait, on trouvera même sur Internet sa photo, avec le même type de discours, mais cela reste encore un peu authentique. Le chef vit là, c’est sur son lit qu’on était assis, c’est son repas que sa fille préparait et son fils que sa femme nourrissait. Conclusion d’Anne-Marie, c’est organisé comme sous une tente de camping, là la cuisine, là les provisions, ici les matelas et à côté les vêtements. Il faisait bien chaud dans la case. Ronan a vomi en sortant.

Midi, brochettes de zébu et riz, il y avait aussi des langoustes à 3€. Plombery artisanale .

 

Et l’après-midi, visite des artisans. On commence par les sculpteurs sur bois. Du bois de rose, très beau. Un jeune tourneur taille et offre un vase en bois à Anne-Marie, un autre jeune taille un maki dans son coin, je le lui achète. L’artisan marqueteur regardait le Tour de France à la télé. Au Moins on aura rien à acheter chez lui. C’est la seule maison avec électricité qu’on ait visitée.

Visite du marché en fin d’après-midi : poissons et crevettes séchés, pâtes fraîches, riz, grains, plats à emporter ou à manger sur place, légumes, fruits, chapeaux et soubiques. Et un coq qui s’étirait sur un banc vide.

Le soir, à l’hôtel, concert de musique traditionnelle betsileo, valiha (cithare malgache), guitare, kayamba (sorte de hochet qui fait psch….). Le type au valiha est très sombre, le guitariste souriant et le psch…teur très expressif, malgré son instrument limité. Le tout très doux, mais gâché par un groupe de randonneurs hollandais un peu bourrins.

 

Dimanche 24 juillet

 

Ambositra – Ranomafana

Départ tranquille, paysages habituels maintenant du pays merina et Betsileo. On s’arrête dans un village et on se promène dans le marché. Comme hier, hotely, fruits, légumes, riz, viande et poissons séchés. Un truc curieux, du poisson séché dans une boule de lianes, un aphrodisiaque fantastique, à boire en infusion. On achète des nèfles et du sucre, on goûte au pok pok, aussi appelé ‘amour en cage’, Anne-Marie appelle ça autrement, physalis, je crois. Acide et sucré.

On quitte la RN7 et on entre en enfer : la RN25, une piste abominable, boue, nids de poule, trous à zébus, dans la forêt pluviale primaire, magnifique, elle. On aura doublé un camion à moins de 10km/h, une première ! Et puis, passé le col, la route descend vers la côte est, le long d’une vallée ponctuée de chutes d'eau vertigineuses, d’ouvertures sur la forêt tropical, sous un crachin continuel.

Repas à Ranomafana, où nous nous installons dans un bungalow glacial, juste devant la rivière. En face, le paysage est de toute beauté. Mais ça caille.

 

Nous sommes juste au niveau d’un gué. Première surprise, une jeune femme qui traverse, le derrière à l’air, les vêtements sur la tête. Plus tard, on assistera à un spectacle plus poignant. Sous le soleil, c’est un enfant de huit dix ans qui traverse, un fagot de bois sur l’épaule, les vêtements sur la tête, son petit frère qui s’appuie sur lui. Et des touristes qui photographient, applaudissent…

C’est un parc national, il nous faut un guide pour faire la promenade nocturne. Il s’appelle Elysé. Marche dans le noir, découverte d’un microcèbe, puis d’un attroupement de touristes nourrissant une civette, puis un lémurien diurne, attiré par les odeurs de bananes. Et encore un microcèbe. Sur le retour, marche dans la boue et l’humidité, Elysé nous montrera un caméléon minuscule, le plus petit du parc.

Le dîner est correct pour ceux qui ont choisit de manger malgache, porc aux pois chiches, sorte de cacahuète locale, exécrable pour les autres. Toute la nuit la rivière toute proche bruissera. Nuit glaciale.

 

Lundi 25 juillet

 

21h30, tout le monde au lit, dans une ambiance glaciale, 16° à l’intérieur. Difficile de se réchauffer. D’autant que le resto est plus que médiocre, malgré les sourires désolés d’une petite jeune fille qui s’inquiète de la santé de Ronan, lequel n’a rien mangé. Anne-Marie aurait bien pris un dessert, mais à l’idée d’attendre encore dans le froid. Donc au lit !

La journée avait pourtant bien commencé.

Promenade, dès sept heures, dans la forêt pluviale du parc. Lémur à ventre roux, avahily, hapalémur griseus, sifaka, ou propithèque, le deuxième plus grand des lémuriens. Ce sont les noms des animaux observés aujourd’hui, auxquels s’ajoutent encore le petit caméléon d’hier, et quelques oiseaux. Et aussi beaucoup de plantes étranges, bambous nains (de l’herbe !), bambous lianes,  fougères arborescentes, plus ou moins élancées, pandanus, ficus étrangleurs…Pas vu les sangsues annoncées, ni le mythique aye-aye. Mais de la boue, beaucoup de boue. Monter descendre descendre monter descendre encore… Et un mot malgache, embouteillage, appris à la volée. Trop de visiteurs dans un endroit aussi exigu. Mais je suis quand même content des échappées sur la canopée.

Après quelques difficultés à manger, les hotely fermant les uns après les autres, « Plus de zébu ! », nous visitons le musée du parc, gratuit, mais finissant en boutique.

 

Et ensuite le jardin des thermes, agréable, avec sa source d’eau chaude (tiède) et ses espèces de gros bananiers poussant dans l’eau, qui ne dépareraient pas dans Myst, le jeu vidéo. Anne-Marie dit qu’ils semblent être en plastique. C’est un petit village bien agréable, sans mendiants. La fin de la journée nous offre une jolie vision du ciel austral, voie lactée, croix du sud, étoiles bleues, rouges. Mais le froid a fini par tomber.

Ranomafana, eau chaude en malgache, ville glaciale en français.

Anne-Marie supporte mal d’attendre dans le froid. Ronan est encore malade cette nuit. Débâcle complète.

 

Mardi 26 juillet

 

Transit Ranomafana – Ambalavao

Toujours ces vingt kilomètres de piste abominables, mais sous le soleil cette fois. Les scieurs ne sont plus là, reste leurs planches. On croise beaucoup de minibus pleins à craquer. Ce sont des luthériens qui se rendent en pèlerinage auprès du tombeau d’une prophétesse morte en 2001. On s’arrête dans un village de forgerons. C’est un travail très physique. A partir de lames de ressort de camions, ils forgent tous les outils aratoires des hauts plateaux, bêches, coupe-coupe, faucilles. Leurs femmes tissent du raphia, des nattes, des paniers. Les nattes sont à un prix incroyable, 6000Fmg, 50 cents. Et ils élèvent des cochons. Le tout est vendu au marché, un peu plus loin, sur la RN7.

 

Nous y sommes, d’ailleurs, sur la RN7, direction Fianarantsoa. C’est l’artère nord-sud de Madagascar, Antananarivo Toliara. Elle a les dimensions d’une petite route départementale, quelquefois élargie localement de pavés. Son nom, c’est sans doute à un fonctionnaire colonial facétieux qu’elle le doit.

On prendra notre repas de midi dans un hotely sinoa, à Fianarantsoa, somptueux porc laqué et riz, soupe et misao. Excellent. « Il y a les vazaha, ils sont blancs, les sinoa, asiatiques, les karane, indo-pakistanais, les africane, d’Afrique, les comoriens, bruyants, et les vazaha comoriens d’Italie. » précise Feno.

 

Puis sur la route, les arrêts artisanat que nous propose Feno : sisal, ou comment faire des sacs et des cordes à partir de quasiment rien, cave viticole tenue par un vazaha local, tissage de la soie sauvage. Le paysage est plus sec ici, mais les soirées restent fraîches.

Ronan semble aller mieux.

Magnifique bougainvillée à l’entrée de l’hôtel qui lui est éponyme. Feno est parti à la recherche d’un ami qui transformera les goyaves sauvages (des goyaviers !) achetées au bord de la route en confiture. La dame qui vendait les pots de confiture étant partie dans la forêt, à plus d’une heure de marche, on a juste acheté les fruits aux enfants cinq cent le panier.

C’est le retour de la chasse aux moustiques dans la chambre.

 

Mercredi 27 juillet

 

Ambalavao est une petite bourgade perdue au fond d’une cuvette, entourée de montagnes pelées.

Réveil à sept heures, le jour se lève à peine, des bancs de brume traînent au fond des vallons, herbes jaunes brunies par le soleil, rizières toujours vertes. On débute la visite d’une petite vallée où vivent des makis catta. Très touristique, un peu de nourrissage et les voilà, vite photographiés, mais l’intérêt du site, c’est l’impressionnant chaos granitique qui nous domine. Le village se trouvait, juste dans les années trente, caché sous le plafond d’un énorme bloc de granite, entre 1,10 et 1,80m de hauteur sous barreau, et de la taille d’un terrain de basket. Impression de visiter un site préhistorique tout juste abandonné : on trouve encore des restes de poteries dans un coin. On passe ensuite par le tombeau du village, une autre grotte où les Anja (habitants du village) cachaient leurs morts pour éviter qu’on ne vole les linceuls de soie grège.

 

Retour à Ambalavao, c’est mercredi, le jour de la foire aux zébus, le principal marché aux zébus de Madagascar. Des colonnes d’hommes, de femmes, d’enfants se dirigent vers la ville, poussant, tirant, portant paniers et soubiques. C’est un immense marché à même le sol qui s’étale à nos pieds, légumes, tissus, outils, charbon, hotely, …

 

Et surtout le marché aux bestiaux sur une colline, autour d’un tombeau sakalave. Pas mal de trafics et d’arnaques, nous raconte Feno. C’est un peu le Far West, ici, avec ses cow-boys et ses voleurs de bétail. Jour de marché, c’est aussi jour de travail pour la gendarmerie. Pas moins de trois barrages à l’entrée sud de la ville où les pandores rançonnent les taxis brousse d’occasion qui n’ont pas payé leur patente ou qui sont en surcharge. C’est l’usage ici.

 

Et puis, après un repas très local, filet de zébu grillé, en route pour le sud.

Passage d’énormes blocs granitique aux formes expressives, la Porte du Sud, et le paysage change du tout au tout : plus sec, beaucoup plus sec, des villages bas, de moins en moins de cultures et une plaine à perte de vue, quelques reliefs bleutés à l’horizon, des feux de prairie un peu partout, allumés par les éleveurs, des troupeaux de zébus par ci par là, et une route toute droite où se perdent les repères. De temps en temps on croise un piéton ou un cycliste, sorti d’on ne sait où. La route est toute neuve. Avant c’était une piste de latérite, dont on voit les méandres à droite et à gauche. Moins de charme, mais plus de confort.

Bienvenue à Ranohira, l’eau des makis, construite autour du parc de l’Isalo, tarif exorbitant.

  

BARA